De manière fort pertinente, Roméo & Sarah ont disposé  en tête de leur superbe gondole leur titre le plus puissant, Words. Ce morceau à la dynamique hallucinante ne cesse de se métamorphoser pendant près de neuf minutes. Les références qui ont pu inspirer pareille merveille existent sans doute – de Galaxie 500 à Beach House en passant par Slint. L’espace d’un instant, elles sont tout simplement balayées. Les huit autres titres de ce premier coup de maître semblent tirés du même tonneau, souvent portés par la complémentarité en la délicatesse vaporeuse de ces deux voix blanches, la subtilité infinie des harmonies et les scansions habiles d’une rythmique motorik.

Sûr de leur fait ou honteusement talentueux au point de ne pas même se soucier des conventions, Roméo & Sarah ouvrent leur premier disque par Words, un morceau de presque 9 minutes, bravant d’entrée de jeu les formatages. Après ce chef d’œuvre d’écriture, le duo poursuit son parcours selon ce faux rythme qui lui va si bien, cette nonchalance où l’évidence pop le dispute à la maîtrise du meilleur jazz (pas celui des techniciens, celui de ceux qui convertissent l’émotion en feeling), où les paroles s’effacent souvent au profit d’une orchestration ambitieuse, lumineuse, souple, essentiel – l’art de garder le strict nécessaire pour mieux le sublimer.